Une réponse ministérielle vient confirmer ce qui avait été indiqué via un communiqué de presse de Michel Sapin.
Les couples mariés sous le régime légal de la communauté financent souvent, sur fonds communs, un contrat d’assurance-vie dont l’un des conjoints est l’assuré-souscripteur et l’autre le bénéficiaire. La doctrine « Bacquet » publiée par l’administration fiscale visait le cas où le bénéficiaire décède avant le souscripteur et tranchait dans un sens peu favorable aux enfants. L’Afer, Association française d’épargne et de retraite, a obtenu du gouvernement qu’il revienne sur cette doctrine. Mais jusqu’à présent, le changement de doctrine relevait d’un simple communiqué de presse n’ayant pas de valeur juridique.
Par un communiqué diffusé le 13 janvier, Michel Sapin annonçait ses intentions : « Depuis 2010, pour un contrat d’assurance-vie souscrit dans un couple ayant opté pour le régime de la communauté, les enfants devaient acquitter des droits de succession au décès du premier époux, sans pour autant pouvoir bénéficier du contrat d’assurance-vie. Désormais, le décès du premier époux sera neutre fiscalement pour les successeurs, notamment les enfants, les conjoints étant déjà exonérés. Ils ne seront imposés sur le contrat d’assurance-vie qu’au décès du second époux et n’auront donc pas à payer de droits de succession dès le décès du premier époux sur un contrat non dénoué. Cette mesure bénéficiera à de nombreux épargnants et à leurs successeurs », précisait Bercy.
Réponse ministérielle
Le changement de doctrine est aujourd’hui validé part une réponse ministérielle publiée au JO du 23/02/2016 , à la question du député des Bouches-du-Rhône, Jean-David Ciot (voir encadré). Attention, pour que celle-ci soit juridiquement opposable, il faut attendre la publication au Bofip (Bulletin officiel des finances publiques). « Il est admis, pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016, qu’au plan fiscal la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie souscrit avec des fonds communs et non dénoué à la date du décès de l’époux bénéficiaire de ce contrat, ne soit pas intégrée à l’actif de la communauté conjugale lors de sa liquidation, et ne constitue donc pas un élément de l’actif successoral pour le calcul des droits de mutation dus par les héritiers de l’époux prédécédé », précise Bercy. « Attention, souligne Olivier Rozenfeld, président de Fidroit, le texte précise bien que le contrat n’est pas intégré à l’actif de la communauté si le bénéficiaire du contrat est l’époux. Les enfants sont donc maltraités : s’ils devaient être bénéficiaires, il y aurait taxation lors du premier décès mais aussi lors du dénouement du contrat en vertu des art 757-B et 990-I du CGI. Pire encore si le bénéficiaire est un tiers, car sans appréhender le capitaux décès au terme, ils seraient imposés lors du décès du premier conjoint en qualité d’héritiers ».
Par ailleurs, cette réponse lève une autre ambiguïté. « Certains craignaient un report de la taxation au moment du décès du survivant, explique Olivier Rozenfeld. Ce n’est pas le cas. Le droit des assurances continue à s’appliquer ».
Enfin, le texte précise la date d’entrée en vigueur de ce revirement doctrinal : le 1er janvier 2016.
Le texte de la réponse ministérielle
Les droits de mutation par décès s’appliquent en principe à tous les biens qui faisaient partie du patrimoine du défunt au jour de son décès, et qui, par le fait de son décès, sont transmis à ses héritiers, donataires ou légataires. Conformément à l’article 1401 du code civil, et sous réserve de l’appréciation souveraine des juges du fond, la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie souscrits avec des fonds communs et non dénoués lors de la liquidation d’une communauté conjugale à la suite du décès de l’époux bénéficiaire du contrat, fait partie de l’actif de communauté. En vertu de l’article 1475 du code civil, l’actif de communauté se partage ensuite par moitié entre les époux. La réponse ministérielle dite « Bacquet » no 26231 du 29 juin 2010 a tiré les conséquences en matière de droit fiscal des règles civiles, en considérant qu’il convenait d’intégrer à l’actif successoral du défunt soumis aux droits de mutation par décès la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie souscrits avec des fonds communs et non dénoués lors de la liquidation de la communauté conjugale à la suite du décès de l’époux bénéficiaire du contrat. Cela étant, il est apparu que le strict alignement de la règle fiscale sur la règle civile, sans prise en compte des spécificités juridiques du contrat d’assurance-vie, conduisait à d’importantes difficultés pratiques, notamment en présence d’héritiers autres que le conjoint survivant, lesquels peuvent se retrouver à payer des droits de mutation calculés sur un actif successoral augmenté du fait de l’augmentation, par le jeu des règles civiles, de l’actif de communauté. Aussi, afin de garantir la neutralité fiscale pour l’ensemble des héritiers lors du décès du premier époux, il est admis, pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016, qu’au plan fiscal la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie souscrit avec des fonds communs et non dénoué à la date du décès de l’époux bénéficiaire de ce contrat, ne soit pas intégrée à l’actif de la communauté conjugale lors de sa liquidation, et ne constitue donc pas un élément de l’actif successoral pour le calcul des droits de mutation dus par les héritiers de l’époux prédécédé. Lors du dénouement du contrat suite au décès du second conjoint, les sommes versées aux bénéficiaires de l’assurance-vie resteront bien évidemment soumises aux prélèvements prévus, suivant les cas, aux articles 757 B et 990 I du code général des impôts dans les conditions de droit commun. La position exprimée dans la réponse ministérielle no 26231 dite « Bacquet » du 29 juin 2010 est donc rapportée pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016.
Source : Assurance-vie : fin du suspense sur la doctrine Bacquet